– Mais ? Qu'est-ce qui se passe encore ? Nous sommes là pour que tu nous racontes une histoire, celle de la sirène végétale ! Tu te souviens ? Au lieu de ça, après un titre très alléchant, qui nous laissait présager une histoire un peu coquine de sirène et de marin, tu nous apportes un poisson !
– C'est vrai. Mais c'était bien trop tentant. J'avais une image sans explication, avec un joli poisson tout bleu... enfin, presque. Et le titre donné par notre capitaine "Le lit de la demoiselle", me plaisait bien.
... Vous êtes déçus ? Je comprends. Mais vous l'aurez, tout de même, votre histoire.
Il y a fort longtemps, au large de la Bretagne, vivait une sirène. Elle s'ennuyait un peu depuis que la ville d'Ys avait été engloutie. Auparavant, elle entendait ses habitants rire et chanter, elle voyait les enfants courir sur la plage, les mamans bercer leurs enfants, les amoureux se cacher à l'ombre des rochers pour échanger de langoureux baisers...
Elle imaginait leur douceur, leur bonheur.
À côté d'elle, il n'y avait que des algues, brunes ou vertes... Rien de bien passionnant.
De temps en temps, un marin passait dans son bateau de pêche. Elle le suivait en essayant d'imaginer...
Ce n'est pas facile, lorsqu'on est sirène,
de rêver aux lèvres d'un marin.
Ce n'est surtout pas très sérieux.
À force d'y penser, d'imaginer le marin s'éprenant d'elle, elle décida qu'il était temps de passer à l'action. Il fallait qu'elle prenne contact avec lui.
Ce qu'elle ne savait pas, c'est que ce marin-là
n'était pas prêt à donner son cœur à une inconnue.
Surtout si elle avait une queue de poisson en guise de jambes !
La première fois qu'il la vit, il se demanda s'il n'avait pas trop bu, et il jeta à la mer la fiole d'eau de vie qui ne l'avait jamais quitté depuis sa toute première pêche.
(Il le regretta par la suite, mais, on ne se refait pas !
La mer rend très rarement ce que l'homme lui donne !)
Ensuite, il s'habitua à la voir apparaître, ici ou là, et se mit à apprécier les chants qu'elle lui offrait.
(Lui, il n'avait jamais lu l'Odyssée !)
Enfin, un jour, il se dit qu'il l'emporterait bien à terre. Il faut dire que ses copains ne le croyaient pas quand il leur racontait sa rencontre...
(Vous y auriez cru, vous ?)
Ne me demandez pas comment il fit pour la persuader de l'accompagner. J'ignore même s'il dut ou non la capturer dans ses filets.... Mais, un jour, au village, on vit apparaître le marin et sa sirène... Comme elle avait un peu peur de voir ses écailles se dessécher, il l'avait habillée de feuilles et de fleurs... qu'il arrose copieusement chaque matin.
Depuis, dans la journée, les enfants du village viennent la retrouver et elle leur raconte de très belles histoires, de marins et de tempête, ce qui fait que les mamans sont bien tranquilles et peuvent, pendant ce temps, faire tout ce qu'elles veulent sans s'inquiéter de leur progéniture...
Et, le soir, lorsque tous sont couchés, son marin et elle partent tous deux...
– Ce qu'ils font ? Non mais !
Vous croyez que c'est bien de tenir la chandelle ?
Moi, je ne l'ai jamais fait devant le lit de la demoiselle....
Signé : La conteuse de la Galère
PS de siratus: Demoiselle, Dascyllus trimaculatus, dormant sur une Anémone.